Je n’avais jamais fait de trek de ma vie, et jamais entendu parler du trek du Laugavegur. Il ne fallait même pas me parler de randonnée. Mes parents avaient toujours essayé de m’embrigader, quand j’étais plus petite, pour que je les suive dans leurs promenades. Elles me semblaient interminables. J’ai toujours été fan de la ville, l’architecture, l’activité humaine et l’effervescence. Les oiseaux, les arbres et les petites fleurs, très peu pour moi.
L’Islande me faisait rêver depuis plusieurs mois. Il faut dire qu’elle est devenue une destination touristique assez prisée. Beaucoup de lieux sont à visiter à Reykjavík et aux alentours.
Un beau jour, je suis tombée par hasard sur le blog d’un couple voyageur qui faisait le récit de leurs aventures sur cette île polaire: ça a été le déclic. Mon amoureux et moi nous sommes laissés embarquer par leur histoire, et nous avons nous aussi décidé de tenter l’aventure du trek du Laugavegur.
Le trek du Laugavegur
Avant de partir, nous nous sommes un peu renseignés sur le trek du Laugavegur, histoire de savoir où nous mettions les pieds.
L’avantage de ce trek, c’est qu’il est relativement accessible:
- Il ne nécessite pas de compétences physiques exceptionnelles: le niveau de difficulté n’est pas très élevé (bien que je n’aie pas beaucoup d’éléments de comparaison), il suffit d’un peu de patience et d’endurance.
- La distance à parcourir peut être adaptée: des bus sont présents à des étapes clés du parcours ce qui le rend assez modulable.
- Faîtes le dans le sens qui vous plaira : du sud vers le nord (comme nous) ou inversement, c’est vous qui voyez ! Partir de Landmannalaugar (nord) est plus facile : il y a un peu moins de dénivelé. En revanche, si vous partez de Skógar (sud) , les paysages deviennent de plus en plus impressionnants à mesure que vous progressez.
Nous avons donc choisi de partir de Skógar et de réaliser ce parcours en 6 jours…
Étape n°1 : Skógar à Baldvinsskáli
12 km / +780m
L’aventure commence aux pieds de l’impressionnante Skógafoss. Une trentaine de cascades se succèdent depuis le sommet de la montagne : cette même montagne que nous apprêtions à gravir !
D’entrée de jeu, il faut escalader l’interminable chemin le long de la cascade : un bel avant goût de ce qui nous attendait pour le reste de la journée ! Les 6 premiers kilomètres nous longeons la rivière, le paysage est très vert (oui même au mois de Juin), les reliefs, improbables et la vue de plus en plus magique à mesure de l’ascension.
Plus nous progressons, moins il y a de touristes, au bout de 2h nous nous retrouvons seuls au milieu du décor. Les cuisses commencent à chauffer, mais la vue nous fait oublier ce détail. Tout est parfait jusqu’à arriver à la passerelle.
Cette passerelle nous permet de traverser la rivière et de rejoindre l’autre rive. À partir de ce moment, nous nous éloignons des cascades pour rejoindre le sentier de montagne.
Le paysage change radicalement, le temps aussi. Adieu paysage verdoyant, bonjour les cailloux ! Et, pour ne rien gâcher la neige fait son apparition, elle n’avait pas encore fondu… Nous nous retrouvons donc rapidement au milieu d’un paysage tout blanc, sous la pluie et dans le brouillard (#toujoursplus).
La fatigue de la montée, le poids des sacs et l’angoisse de ne pas trouver le refuge (on voyait à peine les balises qui bordaient notre chemin) rendent la fin de l’étape moins agréable : le doute s’installe.
Le refuge de Baldvinsskáli décide finalement d’apparaître (merci google map), nous manquons de le louper tellement le brouillard s’est épaissi. Cette nuit là, nous dormirons à l’abri, la journée nous a épuisés. Nous n’avons pas le courage de monter la tente et de dormir dans le froid. Nous ferons une petite (grosse) entorse au budget pour cette nuit là, tant pis.
Étape n°2 : Baldvinsskáli à Þórsmörk (Skagfjörðsskáli)
17 km / +270m -800m
Nous nous réveillons remotivés : il nous tarde de redescendre pour voir ce que nous réserve le trek du Laugavegur sous un brun de soleil. Le programme de la journée est attrayant : passage près du cratère de l’Eyjafjallajökull ainsi que son champ de lave. Nous devrions également apercevoir la calotte glaciaire du Mýrdalsjökull.
Malheureusement, la météo en décidera autrement. Nous passons à côté du cratère sans même le voir tellement le brouillard est épais. Le vent est venu s’ajouter à la pluie : un vrai régal ! Malgré tout, nous gardons le moral.
Nous suivons le chemin qui descend le long des flancs du volcan, franchissons un dernier plateau et enfin : la grisaille s’éloigne ! Elle nous laisse apercevoir la magnifique vallée de Þórsmörk. C’est décidé, la pause du midi se fera là, afin d’admirer un peu le décor et surtout le chemin parcouru.
Le soleil décide enfin de montrer le bout de son nez, le moral est au beau fixe. Nous entamons donc la descente jusqu’au refuge, enthousiastes. Encore une fois, le paysage est à couper le souffle, les reliefs sont imprévisibles, incohérents: mère nature ne devait pas avoir les yeux en face des trous le jour où elle s’en est occupé!
Quoiqu’on en dise, l’ambiance est vraiment unique.
Le chemin devient assez escarpé, mais relativement bien sécurisé: une corde est installée au moment de passer sur les crêtes. Après encore un peu de marche: nous arrivons au refuge de Skagfjörðsskáli, de l’autre côté de la rivière.
Une bonne douche chaude s’impose : rien de tel pour se détendre !
Étape n°3 : Þórsmörk à Emstur (Botnar)
15 km / +500m -200m
Nouvelle étape, nouvelle ambiance. Après une montée, nous traversons une forêt de bouleaux et arrivons rapidement face à la première rivière à traverser. Ici, pas de pont, pas de passage dégagé : il va falloir traverser à pied !
Ce moment est probablement l’un des plus drôles de tout le trek :
Nous n’avions pas du tout pensé qu’à un moment, il faudrait se mouiller. Longue hésitation, plans farfelus : comment traverser ? Il nous semble inconcevable de traverser pieds nus (pauvres petits rémois ignorants que nous sommes!). Alors, une idée me vient à l’esprit : des sacs poubelles ! Mais oui c’est évident, il me suffit de couvrir mes pieds et mes mollets de ces sacs plastiques, et tout ira bien.
C’est probablement l’une des idées les plus ridicules que j’ai eues de toute ma vie. C’est un échec total: les sacs se trouent au contact du premier caillou, le courant est assez fort, je manque de tomber, j’ai les pieds trempés. Monsieur se moque ouvertement de moi, mais il fera exactement la même chose 5 minutes plus tard. Heureusement, personne n’a assisté à la scène.
Une fois la rivière passée nous poursuivons notre chemin. Après une courte montée nous arrivons dans une nouvelle vallée : c’est (presque) tout plat et droit.
Nous progressons vite, traversons un petit cours d’eau et remplissons nos gourdes lorsque, par hasard, nous arrivons devant une source. Sur le moment, nous avons l’impression d’être de grands aventuriers (oui je sais, il en faut peu). Encore une montée, et la vallée de Sandar est en vue.
Au bout de la vallée, nous traversons un cours d’eau : sur une passerelle cette fois. Le courant est impressionnant et il ne faut pas trop regarder en bas au moment de traverser ! Là, nous entamons la dernière montée avant d’arriver au refuge. Nous avions nié l’évidence dès que nous l’avons aperçue : « non ce n’est pas possible, c’est beaucoup trop raide, on ne va pas monter ça, regarde les gens là-bas ils sont fous, blablabla... » Que nenni ! Allez les p’tits gars, on se bouge les fesses et on monte !
Étape n°4 : Emstur (Botnar) à Hvanngil
13 km / +100m
Une étape un petit peu plus courte que prévu: nous avions initialement pensé nous rendre directement à Álftavatn et terminer le trek en deux fois. Malheureusement, la gardienne du refuge de Botnar nous a appris que le refuge Hrafntinnusker était encore entouré par la neige et donc que les réservations étaient prises d’assaut. Il ne nous sera pas possible d’y dormir. Nous décidons de nous diriger vers Hvanngil, et le lendemain 5km plus loin, à Álftavatn. Cela nous permettra de nous reposer avant la dernière étape. Le dernier jour sera donc le plus éprouvant: 24km.
En ce 4ème jour de trek, nous quittons donc le refuge de Botnar et traversons un désert de sable noir. La montagne Hattfell domine le paysage.
Le décor est lunaire, nous croisons peu de personnes, il fait beau, la journée s’annonce sous les plus beaux hospices. Nous contournons la montagne et arrivons dans une autre vallée, un peu plus rocailleuse. Après moult hésitations nous trouvons « le parfait caillou » et décidons de nous arrêter manger. Quelques touristes passent, la vue est belle, la soupe Knorr potiron aurait presque bon goût!
Nous traversons un cours d’eau sur une passerelle et continuons notre chemin. Quelques kilomètres plus loin, il faut de nouveau se mouiller : la rivière est assez profonde, le courant plutôt fort et, bien sûr, la température de l’eau beaucoup trop proche de zéro ! Cette fois, pas de sac poubelle, nous analysons les autres passants et décidons de traverser en chaussettes (oui parce que c’est connu les chaussettes évitent de se blesser contre les cailloux …#laprochainefoisseralabonne).
La rivière traversée, le refuge de Hvanngil est en vue. C’est l’occasion pour nous d’admirer le décor dans lequel nous allons dormir ce soir. Chaque emplacement est entouré de petits murets de pierres, inégaux. On se croirait dans un décor de film fantastique.
Étape n°5 : Hvanngil à Álftavatn
5 km
Réveil un peu difficile… C’était la pire nuit que nous avons passé sur le trek du Laugavegur. Nous avons vite compris pourquoi ces petits murets « tellement mignons » avaient été dressés. Le vent a soufflé toute la nuit, faisant se plier la tente au point que nous avons bien que cru que nous allions décoller. Heureusement, la distance à parcourir aujourd’hui est assez courte !
Nous traversons des petits vallons encore un peu enneigés et devons passer un nouveau gué. Tous les marcheurs du jour semblent se retrouver ici, attendant leur tour pour passer en essayant de trouver l’endroit le moins profond.
Cette fois-ci, nous avons traversé comme des pro: nous n’avons même pas sourcillé quand nos petits doigts de pieds ont touché l’eau! Nous sommes passés, tongs aux pieds, pantalon relevé et bagages bien protégés. C’était la fierté de la journée et la dernière étape avant d’arriver au refuge. Nous arrivons vers 11h30, ce qui nous laisse beaucoup de temps pour nous reposer. Le refuge d’Álftavatn dispose d’un petit restaurant mais il ne faut pas être difficile : plat unique ! Après 5 jours de repas déshydratés et de viande séchée, la soupe de légumes et le pain aux noix nous ont semblé être dignes d’un restaurant 3 étoiles. Il faut dire que pour l’équivalent de 40€, il fallait savourer.
Notre seconde mission a été de trouver le trou qui avait décidé de faire son apparition 2 nuits plutôt dans l’un de nos matelas gonflables. Le contact avec la nature c’est bien, mais pendant la nuit, les cailloux ce n’est quand même pas la folie. Comme Monsieur avait fait preuve d’une galanterie incroyable en me laissant dormir sur le matelas défectueux, il s’est chargé de trouver l’objet du délit.
Une fois bien installés, nous nous sommes reposés. Le réveil est prévu pour 2h du matin, une longue journée s’annonce le lendemain.
Étape n°6 : Álftavatn à Landmannalaugar
24km / +640m -570m
Réveillés à 2h, nous démarrons à 3h du matin. Plein de bonnes intentions, nous nous élançons sur ce qui nous semble être le sentier. Une heure plus tard nous sommes toujours aux abords du refuge: pas moyen de trouver la balise de départ. Nous avons peur de nous tromper de chemin et de partir dans la mauvaise direction (#coupledebrascassés).
Finalement nous optons par ce qui nous semble être le chemin le plus plausible et entamons les 24km qui nous séparent de l’arrivée. Vers 5h du matin : Surpriiiiise ! Un joli cours d’eau à traverser… Il ne fait pas encore jour, nous avons froid, il est inconcevable de mouiller les doigts de pieds, pas maintenant ! Nous utilisons la neige restante comme un pont pour traverser : mission réussie. Nous commençons l’ascension : le soleil se lève, c’est un moment vraiment magique.
La montée est interminable. C’est le genre de pente vicieuse qui se dévoile au fur et à mesure de la progression: vous pensiez être en haut? Et ben nooooon ! Vous l’aurez compris, nous l’avons sentie passer celle là. Par contre, il faut rendre à césar ce qui est à césar, la vue d’en haut en vaut vraiment la peine.
Arrivés au sommet, changement d’ambiance : les fumerolles se mêlent aux nuages et la terre se pare de ses plus belles couleurs. L’ambiance est mystique, presque surréaliste. L’Islande est vraiment un pays étonnant.
La présence de la neige nous ralentit un peu: les balises ne sont pas très visibles et nous dévions du chemin tracé. Nous approchons du refuge Hrafntinnusker. Le plateau sur lequel nous arrivons nous offre une vue magnifique sur ces montagnes colorées. Cependant, la couche de neige est de plus en plus épaisse et la dernière montée avant d’arriver au refuge semble interminable. Nous avons faim et nous sommes trempés (marche dans la neige oblige), il est temps de faire une pause.
Nous repartons et marchons encore quelques kilomètres dans la neige. Le paysage est très beau, mais les couleurs des montagnes sont cachées par un épais manteau blanc, quel dommage ! Nous passons un dernier col et les montagnes du Landmannalaugar apparaissent, ENFIN!
Une joie immense nous envahit, nous avons le sentiment d’avoir accompli quelque chose de grand. Nous restons là quelques instants, immobiles, afin d’admirer le paysage.
Et puis, curieux d’en voir encore plus, nous entamons la descente, la dernière de ce trek. Nous passons près de la coulée de lave: elle ressemble à un énorme dragon endormi. Plus bas, le champ de lave nous attend, avec ses fumerolles et ses reliefs improbables.
Le lieu est très touristique, nous nous retrouvons donc bien entourés en arrivant en bas. Après une semaine dans le calme et la solitude, c’est un petit choc. Il nous reste 2km avant d’arriver au refuge de Landmannalaugar, la dernière étape de notre périple. La pluie s’invite, mais elle ne viendra pas entacher notre satisfaction !
Malgré la pluie, la grisaille et la fatigue nous sommes fiers d’avoir parcouru tous ces kilomètres. L’arrivée à Landmannalaugar est vraiment spectaculaire. Nous ne regrettons vraiment pas d’avoir choisi de parcourir le sentier des hautes terres d’Islande dans ce sens, le sentier du somptueux trek du Laugavegur…
Cette première expérience en terre polaire nous a énormément plu. Nous sommes tombés amoureux du paysage, de la nature et des reliefs islandais. Nous avons donc tenté de nouveau l’expérience quelques mois plus tard en partant en Norvège
One Comment
Loïc
20 décembre 2018 at 10 h 06 minWaaah, quels magnifiques paysages!